Le lait, une boisson indispensable pour notre santé ?

Alors que le lait a longtemps été considéré comme très bon pour notre santé, et notamment celle de nos os, pas une semaine maintenant sans qu’un de ses détracteurs ne lance une nouvelle alerte : « Le lait favorise le cancer ! ». « Les produits laitiers ne servent à rien dans la lutte contre l’ostéoporose ! ».

« Le lait cause des allergies, des troubles digestifs et des douleurs articulaires ! »

Les publications qui tirent à boulet rouge sur les produits laitiers abondent dans nos lectures.
Toutes ces critiques sont-elles fondées ? Faut-il rayer les produits laitiers de notre alimentation ?

Essayons d’y voir plus clair dans toutes les critiques faites au lait et aux produits laitiers.

« Le lait favorise le développement de cancer »

A entendre certains, les produits laitiers feraient le lit du cancer. L’argument est que le lait contient une hormone de croissance, IGF pour Insulin-like Growth Factor. Cette hormone est indispensable à la croissance du veau. Or l’IGF est aussi une hormone qui favoriserait le développement de tumeurs.

Le raccourci est vite fait : la quantité d’hormone de croissance dans le lait convient à un animal de grande taille. Bien trop pour les êtres humains. IGF, en excès, se ferait donc une joie d’entrainer le développement de cellules tumorales.

Or un rapport de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire, publié en 2021 (1), conclue que cette hormone de croissance serait dégradée dans l’intestin bien avant de pénétrer dans le sang. Et même si elle passait dans le sang, la quantité de produits laitiers consommée chaque jour, sur toute une vie, serait bien insuffisante pour augmenter la quantité d’IGF présente naturellement dans notre organisme.

A moins de boire plusieurs litres de lait par jour, tous les jours, le risque est extrêmement faible que l’IGF des produits laitiers entraine le développement d’un cancer !

« Le lait, source d’allergies et de troubles digestifs »

Certains adultes ressentent des désordres intestinaux après ingestion de produits laitiers. Mais de là à dire que c’est une allergie, le raccourci est un peu trop rapide

D’abord, un peu de théorie. Lors de la digestion, le lactose contenu dans le lait est décomposé en acides et en gaz, par une enzyme que l’on appelle lactase.

Chez deux tiers de la population mondiale, la production de cet enzyme diminue à l’âge adulte. Peut-être une conséquence de l’évolution, l’adulte ayant une alimentation bien plus diversifiée que les bébés.

Ce manque de lactase est très souvent asymptomatique. Mais chez certaines personnes, il entraine diarrhées ou ballonnements après consommation de produits laitiers.

6 à 10% des adultes seraient concernés en France. Bien peu finalement comparé au matraquage médiatique. Et attention ! Très souvent, on confond souvent allergie et intolérance.

Si l’allergie est une réelle pathologie qui met en jeu de système immunitaire, l’intolérance est une simple réaction. L’intolérance peut provoquer diarrhées, constipation et ballonnements. Mais rien à voir avec une vraie allergie, dont les conséquences peuvent être plus sérieuses.

Alors gare aux auto diagnostics !

Exclure les produits laitiers de son alimentation est le meilleur moyen de devenir allergique !

Moins on consomme de produits laitiers, plus la production de lactase diminue. Alors avant de rayer les produits laitiers de votre alimentation, parlez-en à un spécialiste.

Avec des tests respiratoires, lui seul pourra déterminer si vous souffrez véritablement d’une allergie au produits laitiers.

« Le lait ne sert à rien pour prévenir l’ostéoporose »

Longtemps considéré comme la seule arme contre l’ostéoporose, le lait n’apparait aujourd’hui plus comme tel. C’est la véritable controverse scientifique à son sujet.

Les asiatique auraient moins de fractures que les occidentaux, alors qu’ils consomment bien moins de produits laitiers. Une étude menée en 2013 avance même que la consommation de lait à l’adolescence augmenterait de 9% le risque de souffrir d’une fracture chez les hommes (2).

L’argument ? Le lait favorise une croissance rapide des os. Qui dit « plus longs » dit « plus fragiles »

Mais peut-on raisonnablement relier des habitudes alimentaires à ce qui adviendra des dizaines d’années plus tard ? Car cette étude a été conduite rétrospectivement sur des adolescents. Elle ne tient pas compte ni de leur statut tabagique, ni de leur activité physique, ni de leur alimentation globale.

Encore moins de leurs problèmes de santé. Le lien de cause à effet est donc un peu rapide ! La conclusion manque profondément de rigueur sur le plan scientifique.

« Le calcium contenu dans les végétaux suffit »

C’est sûr. Les produits laitiers ne sont pas la seule source de calcium. On trouve du calcium dans certains végétaux comme les choux, le cresson, les épinards ou encore le fenouil : entre 40 et 60 mg/100 grammes. Le soja fournit 220 mg de calcium pour 100 grammes. Amandes et graines de pavot sont aussi une belle source de calcium.

Mais prétendre que l’on peut combler ses besoins en calcium avec celui contenu dans les végétaux ? C’est oublier que ce calcium d’origine végétale est très mal absorbé par l’organisme : 10% contre 30% pour le calcium contenu dans le lait.

Les Apports Journaliers recommandés en calcium pour un adulte sont d’environ 900 mg par jour. Il faudrait consommer 2 kilogrammes de brocoli pour combler ces besoins.

Et encore !

Si ce calcium était absorbé à 100% ! Ce qui est bien loin d’être le cas ! Seule solution : habiter près d’un champ de brocolis et en consommer plusieurs kilos tous les jours. Pas sûr que ce soit idéal dans le cadre d’une alimentation équilibrée….

« Le lait contient des acides gras saturés mauvais pour la santé »

Non seulement le lait contiendrait du « mauvais » gras, mais en plus il augmenterait le taux de cholestérol.

Crème, fromage et beurre sont accusés d’être pourvoyeurs de maladies cardiovasculaires. Vrai ou faux ?

Le lait, entier et demi-écrémé, est une source de lipides, majoritairement saturés. On a longtemps rendu ces graisses responsables des maladies cardiovasculaires, du fait d’une augmentation du LDL-cholestérol.

Or les recherches récentes concluent plutôt à une absence d’effet. Et même à un effet bénéfique !

Une étude réalisée dans les 5 continents a montré que la consommation de produits laitiers non allégés pouvait baisser la mortalité de 14% et le risque de maladie cardiovasculaire de 21% (3) !

Les acides gras trans contenus dans le lait sont aussi montrés du doigt. Ils augmenteraient le taux de cholestérol et favoriseraient l’obstruction des artères.

Mais attention ! Cela concerne les acides gras trans d’origine industrielle !

Pour solidifier les matières grasses végétales, certains aliments sont industriellement hydrogénés. Ce sont ces acides gras trans favorisent les
maladies cardiovasculaires. Pas les acides gras contenus dans le lait ! Ceux-ci auraient même un effet protecteur sur le cœur et les vaisseaux.

Alors, faire une croix sur le fromage et les yaourts ?
Finalement, il serait juste de prendre un peu de recul. Les critiques faites aux produits laitiers sont souvent menées par des lobbies. Ceux-ci ont l’art de manipuler les chiffres. Et surtout de nous faire peur !

Certes : consommer des produits laitiers n’est pas le seul moyen de se protéger contre l’ostéoporose ou de combler ses besoins en calcium. Mais ce serait une erreur de croire que le lait favorise le cancer ou est un aller simple vers l’infarctus du myocarde. Comme toujours quand il s’agit d’alimentation, tout est une question de mesure.

Il ne s’agit pas de savoir si le lait est bon ou mauvais pour la santé. Ce qui compte, c’est une alimentation variée et diversifiée. On peut s’appuyer sur les recommandations nutritionnelles.

Mais celles-ci ne doivent pas devenir une prison.

L’équilibre nutritionnel se construit sur la semaine, voire sur le mois. Certainement pas sur une journée, encore moins sur un seul repas ! Entre deux et trois produits laitiers par jour pour un adulte, c’est ce qui est aujourd’hui recommandé par les experts. Mais dans le cadre d’une alimentation variée.

Que les amoureux de fromage se rassurent. Ils peuvent continuer à consommer leur aliment favori. Un repas équilibré contient un peu de tout ! Rien n’est « tout bon », rien n’est « tout mauvais ».

Et d’ailleurs, n’oubliez pas nous consommons des produits laitiers depuis des milliers d‘années. Sil étaient si mauvais que ça pour la santé, cela fait bien longtemps qu’il n’y aurait plus aucun être humain sur la planète…….

Docteur Pradère, Médecin en Santé Publique

Sources :

  1. Étude des liens entre facteurs de croissance, consommation de lait et de produits laitiers et cancers. Marie-Christine Boutron-Ruault 1 Olivier Bruyère 2 Sybil Charriere 3 Pascal Crenn 4 Joëlle Leonil 5 Jean-Louis Maubois Françis Raul 6 Patrick Sauvant 7 Alain Servin 6 Marie Paule Vasson 8
  2. Milk Consumption During Teenage Years and Risk of Hip Fractures in Older Adults. %W.C.Willett, et al. JAMA Pediatrics, nov. 2013. doi:10.1001/jamapediatrics.2013.3821
  3. Association of dairy intake with cardiovascular disease and mortality in 21 countries from five continents (PURE): a prospective cohort study, Mahshid Dehghan, PhD et al, The Lancet Septembre 2018, 382 (10161)